La médina de Tunis
Classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, la médina de Tunis est de nos jours l’une des plus complètes et des plus riches du monde arabo-musulman. Dans cet article, nous vous présentons sommairement cette magnifique médina. Nous y aborderons son histoire, son organisation, et quelques monuments à visiter.
En complément, nous avons réalisé plusieurs circuits de découverte dans différents secteurs de la vieille ville (secteurs Ouest, Nord et Centre). Ces parcours permettent de partir à la découverte des richesses architecturales, artistiques ou religieuses de la médina.
Histoire et évolution de la médina de Tunis
De Carthage aux Hafsides : installation du pouvoir
Aménagé depuis l’antiquité, Tunis reste longtemps un simple village perché sur une colline, coincé entre le golfe d’un côté et un lac en arrière. Le vainqueur arabe de Carthage, Hassan Ibn Noomen, choisi le site en 698 pour s’établir. C’est alors la fin de la domination byzantine sur la région.
Au VIIIème siècle, la ville s’organise autour de la Grande Mosquée, la Zitouna, vers laquelle deux axes convergent : le premier de direction Nord-Sud desservant les campagnes environnantes et le second de direction Est-Ouest qui joint la mer à la colline. Tunis connait alors une période de prospérité et s’entoure de remparts protecteurs.
Les conquérants arabes lui préfèrent cependant le centre du pays pour y créer la ville de Kairouan, capitale politique et religieuse. Au XIème siècle, lors des invasions des tribus de Beni Hilal venues d’Egypte, Kairouan est dévastée.
Cependant, une petite dynastie berbère, les Béni Khorassan, s’installe à Tunis et organise en sorte de république indépendante, à l’abri des envahisseurs arabes et des incursions normandes.
Le sort de Tunis est définitivement fixé au XIIème siècle. Abdelmoumen venu de Marrakech unifie le Maghreb et l’Andalousie. Tunis devient capitale du pays conquis. Il y installe un gouverneur, Abdelwahab Ibn Hafs. La dynastie Hafside, créée par son fils Abou Zakaria el Hafsi, sera à l’origine de l’organisation et du développement de la nouvelle cité maritime (XIIIème et le XIVème siècle).
Des Hafsides au Mouradites : développement de la médina
La situation géographique de Tunis favorise l’extension de la ville qui se couvre de beaux monuments : mosquées, fondouks, souks, palais et riches demeures. A l’extérieur des remparts, les environs comportent de nombreux jardins et vergers. Dominant la cité, la Kasbah des sultans hafsides renferme services administratifs et palais. La lutte entre Espagnols et Turcs pour la prépondérance en Méditerranée au XVIème siècle vient troubler cette période plutôt calme et prospère. Un dernier sultan maintenu sans réel pouvoir par Charles Quint et ses troupes installées à Tunis et à La Goulette est définitivement renversé par les Turcs, vainqueurs des Espagnols.
Dès lors, le pays retombe sous la dépendance d’un empire musulman d’Orient en qualité de province ottomane. Tunis est alors gouvernée successivement par un pacha, un Dey puis un Bey à la suite d’intrigues de palais. Malgré ses rivalités opposant les prétendants au pouvoir, le pays connait une certaine prospérité. Les premiers bâtiments religieux sont élevés en dehors des palais par Othman Dey et Youssef Dey son successeur. Après lui, le pouvoir des deys va s’affaiblir au profit des beys. L’un d’eux, Mourad obtient le titre de Pacha et le droit de transmettre la charge de bey à son fils Hamouda, fondant ainsi la dynastie des Mouradites qui se termine tragiquement par une succession de luttes fratricides.
Restaurant dans le patio de Dar Hamouda Pacha, l’un des palais les mieux restaurés de la médina de Tunis
Le patio de Dar Hamouda Pacha, l’un des palais les mieux restaurés de la médina
Des Husseinites au Protectorat: urbanisation à l’extérieur de la médina
Hussein Ben Ali se fait alors élire bey. La dynastie husseinite gouvernera le pays jusqu’à la proclamation de la République tunisienne en 1957. Entre la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle, Hamouda Pacha l’Husseinite apparait comme le dernier grand souverain de la Régence de Tunis. En mettant fin aux incursions incessantes des Algériens, il redonne avec son principal ministre Youssef Saheb Ettabaa un nouvel essor à l’ensemble des activités du royaume.
Mais les heureux résultats obtenus grâce à une sage administration se trouveront compromis par une politique inverse. L’ambition de Ahmed Bey visant à une transformation trop rapide de son Etat par des réalisations modernes et coûteuses conduira celui-ci à la ruine. La vénalité de son entourage et la faiblesse de ses successeurs ne feront qu’aggraver la situation et précipiter l’avènement du Protectorat en 1881 par les Français.
Plan et quartiers
Les Portes
L’organisation de la médina de Tunis n’a que peu changé au cours des siècles. Une immense muraille délimitait la médina. Des portes (Bab) permettaient de rentrer et sortir de la ville. La muraille a quasiment entièrement disparue, mais les portes existent encore.
La plus connue et la plus visible est Bab el Bhar (littéralement Porte de la Mer, car elle s’ouvre du côté de la Méditerranée). On l’appelle également Porte de France. Cette porte colossale se trouve à l’extrémité de la très fréquentée Avenue Bourguiba. Trois autres portes existent toujours, à savoir Bab Jedid, Bab Saadoun et Bab el Khadra.
Bab el Bhar (Porte de France), l’une des principales entrées dans la médina de Tunis
Bab el Bhar (Porte de France), l’une des principales entrées dans la médina
Enfin, d’autres portes n’existent plus, détruites notamment au milieu du XIXème siècle. Mais les noms sont restés, donnés à de nombreux quartiers du centre de Tunis. Par exemple : Bab Alioua, Bab Laasal, Bab EL Jazira, Bab Mnara, Bab Souika, Bab Lakouas…
Ces quartiers, situés au départ en périphérie de la médina, se trouvent désormais en plein cœur de Tunis, posant des problèmes évidents de circulation automobile.
Les Souks
Le cœur de la médina de Tunis était divisé en plusieurs marchés, les fameux souks. Multitude de ruelles, zones couvertes en arcades, parfums, hyper-activité sont différents facteurs qui en font leur charme. De manière classique dans l’architecture arable, chaque souk avait sa spécialité (souk des bouchers, des bijoutiers, des tanneurs, des potiers, des chéchia…). Avec la disparition de certains métiers, plusieurs souks ont disparu. Subsiste alors un nom de quartier ou un nom de rue rappelant cette histoire.
Entrée du Souk el Blat (marché des herboristes) dans la médina de Tunis
Entrée du Souk el Blat (marché des herboristes)
Le Souk el Attarine, quartier des parfumeurs, dans la médina de Tunis
Le Souk el Attarine, quartier des parfumeurs
Certains souks ont tout de même persisté jusqu’à nos jours. Ainsi, les souks des épiciers, des forgerons (et plein d’autres), sont toujours en activité, condensés au cœur de la médina. Un secteur entier, le plus “pittoresque”, est occupé par les vendeurs de produits touristiques. Les hordes de touristes viennent y acheter des produits dits “orientaux” qui sont plus chinois que typiquement tunisiens… Ce souk est facile d’accès : depuis la Porte de France, il suffit de remonter la rue qui part vers la gauche. Les boutiques de babioles se succèdent alors sur 500 mètres.
La rue qui part vers la droite est consacrée aux vêtements (mode, tradition, mariage …). Attention, il y a souvent foule : c’est le souk !
Le Souk où l’on trouve tout ce qu’il faut pour un bon mariage ! Médina de Tunis
Le Souk où l’on trouve tout ce qu’il faut pour un bon mariage !
Monuments majeurs
La partie haute de la médina de Tunis est depuis toujours un lieu politique. Actuellement on y trouve le palais du 1er ministre, le ministère des finances, la Kasbah, mais également tout le pôle judiciaire (palais de Justice, Barreau, Ecole de la magistrature…).
Ce secteur abrite également la plupart des grands palais privés. Ils ont souvent servi de résidence ou de palais durant la période des Beys, par exemple Dar Hamouda Pacha. Certains sont ouverts à la visite ou sont devenus des lieux de culture (café culturel, bibliothèque, galerie, salle de concert). Ces palais méritent assurément une visite approfondie.
Bir Lahjar, centre culturel organisant régulièrement des événements artistiques (40, rue du Pacha)
Bir Lahjar, centre culturel organisant régulièrement des événements artistiques (40, rue du Pacha)
La médina de Tunis est également, depuis ses débuts, un centre religieux important. Ainsi, la grande mosquée Zitouna (l’olivier), située entre souks et palais, est une référence architecturale et théologique pour beaucoup de Tunisois. Son minaret est visible depuis les ruelles proches ou depuis les nombreuses terrasses accessibles depuis les boutiques. Il est possible, sous conditions, d’effectuer une visite de la mosquée.
De nombreuses mosquées, mausolées, marabout et zaouia parsèment la médina. Les appels à la prière deviennent étonnants, lorsque plusieurs appels résonnent à travers les ruelles. Ci dessous, la mosquée de Youssef Dey, située entre la Kasbah et la mosquée Zitouna.
La mosquée et le mausolée (toit vert) de Hamouda Pacha
La mosquée et le mausolée (toit vert) de Hamouda Pacha
L’ensemble de la médina de Tunis, grâce à cette richesse historique, architecturale et culturelle, est classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 1979 (lien vers site UNESCO)
Circuits de découverte
Afin de mieux découvrir la médina et sa riche histoire, nous proposons sur le site des circuits de découverte dans la médina.
Ces itinéraires permettent de parcourir :
l’Ouest de la médina : parcours à travers les palais et grandes maisons bourgeoises situées entre la Kasbah et Bab Souika, avec de nombreuses adresses visitables
la partie Nord de la médina : parcours dans le secteur de la place Halfaouine, Bab Saadoun et Bab el Khadra
la partie centrale de la médina : parcours dans la partie centrale, mélant la visite de nombreux monuments et grandes maisons.
Vous pouvez bien entendu adapter ces itinéraires en fonction de vos thèmes préférés, du temps disponible…
N’hésitez pas à venir à différentes heures du jour, afin de mieux saisir les rythmes de vie de la médina. Le matin est ainsi très actif alors que le début de soirée est calme. La lumière à la tombée du jour est très intéressante pour les photographes.